Je ne voulais pas de péridurale.
Depuis 3 heures du matin, avec les premières contractions, jusqu'à 19h00, je fais tout le travail qui permet une ouverture complète du col. L'homéopathie permet d'affiner les parois, la sage-femme m'encourage à la prendre jusqu'au bout.
Hélas, Elliot se présente la tête mal orientée. Il ne peut pas passer.
Après la rupture de la poche des eaux par la sage-femme à 8 d'ouverture du col, les contractions augmentent d'intensité. Mon ami, qui m'a soutenue et "félicitée" tout au long du travail m'annonce l'arrivée d'une contraction, les paliers puis la descente.
Les paliers sont trop hauts et trop longs. La sage-femme me dit que le bébé ne descend pas et que ça peut durer des heures.
Je suis découragée et réclame la péridurale. Le bébé souffre, son rythme cardiaque est désordonné, la sage-femme prédit la césarienne, le gynécologue de garde tente de tourner le bébé à la main après échographie, mais vainement.
Je en sens plus rien du ventre jusqu'aux pieds. J'ai la dose d'anesthésiant et d'opiacé dans le corps. Je passe de l'état d'inconscience, dûe à la douleur entre deux contractions, à une forme étonnante et une confiance totale dans le personnel qui m'accouche.
A mes côtés, mon ami est inquiet. il ne comprend pas les regards qui s'échangent entre les sage-femmes, nombreuses. Je ne vois plus ce qui se passe, allongée au bord du lit. Le gynécologue demande la ventouse. Elle est reliée à une machine qui doit aspirer mon bébé en même temps que le médecin imprime une rotation. Echec. Il prend les forceps. Je ne sens rien, je vois qu'il force. Les sage-femmes doivent m'annoncer les contractions pour me donner le signal de poussé, car je ne les sens plus du tout.
Finalement, Elliot attérit sur mon ventre. Je le saisit, ou plutôt je le touche car très vite le cordon est coupé et Elliot est emporté loin de moi. Je reste avec une main ensanglantée et regarde mon ami sans comprendre. Il s'est effondré en larmes dans le fauteuil voisin. je ne comprend pas. On me rassure, "vous l'avez entendu crier ? Tout va bien." J'en suis persuadée, j'ai vu se soulever son torse par le mouvement d'une respiration, mais je ne l'ai pas entendu crier.
Elliot va bien, mon ami peut aller voir les soins qu'on lui apporte. Il est né visiblement largement à terme, le liquide amniotique était teinté. Un pédiatre a été appelé et des soins particuliers ont été pratiqué. Nous irons en néonatologie plutôt qu'en maternité, Elliot a un peu de fièvre, il faut s'assurer que l'infection qui la provoque ne soit pas dangereuse.
Après un passage en couveuse, on tente de le placer sur moi pour une première tétée. La sortie de la couveuse, un bonnet sur la tête est douloureuse. Il hurle et je ne peux le saisir comme je le voudrais à cause des perfusions qui retiennent mes bras. Pas de tétée, il part en néonatologie, l'étage au-dessus, je reste pour recevoir les soins post accouchement avec notamment l'expulsion du placenta. Le médecin recoud l'épisiotomie importante qu'il a pratiqué.
Je fais une décompensation et reste un peu plus en observation.
Nous rejoignons Elliot qu'on nous confie pour la nuit malgré les sombres prévisions qui nous promettaient notre premier contact pour le lendemain. Première prise du sein.
Alors qu'on se demandait ce qu'on avait fait et quelle responsabilité on avait prise en mettant un enfant au monde, nous voilà rassuré sur notre instinct de parents. Mon ami dort dans le fauteuil pour notre première nuit ensemble et moi dans le lit avec Elliot inconsolable. Il prend le sein, couché contre moi puis s'endort. C'est le plus beau jour de ma vie et l'accouchement est oublié. Le séjour en néonatologie, ensuite est long, mais c'est une autre histoire.
Mon ami ne s'explique pas ses larmes sinon par une intense émotion au moment de la naissance. La tête d'Elliot était bleue, le personnel médical inquiet, il a cru qu'Elliot était mort avant de découvrir avec soulagement qu'il n'en était rien.
Nous sommes aujourd'hui, les parents les plus heureux du monde.